Pas juste une sanction envers le gouvernement
C'est aussi un refus du style d'Eric Duhaime
J’ai une drôle de relation avec la circonscription d’Arthabaska. J’y étais en 2016, lors de la partielle qui avait mené à l’élection d’Éric Lefebvre. C’était ma première présence dans une élection partielle, et j’ai terminé la soirée, par un drôle de hasard, au rassemblement partisan de la CAQ. Une soirée mi-figue mi-raisin pour François Legault : une victoire dans Arthabaska, mais une défaite dans Saint-Jérôme. Le PLQ l’avait emporté dans Verdun. Bref, une soirée électorale ordinaire, qui ne passera pas à l’histoire.
Rien à voir avec ce que nous avons vu hier.
Le PQ l’a emporté haut la main dans une circonscription très conservatrice, qui vote pour des partis fédéralistes depuis 1998. Un comté où le PQ n’était plus compétitif depuis très longtemps.
La principale thèse qui circule pour expliquer la victoire du PQ est l’insatisfaction envers François Legault. C’est vrai, cela explique l’une des conditions qui ont permis au PQ de s’imposer comme alternative. Mais l’impopularité du gouvernement ne suffit pas à expliquer deux autres éléments :
le taux de participation exceptionnel pour une partielle estivale
la sous-performance marquée de la CAQ, du PLQ et de QS
Regardons le PLQ. Les libéraux sont à 18 % du vote chez les francophones et obtiennent un résultat de 23 % dans la catégorie “Ailleurs au Québec”, c’est-à-dire en excluant la grande région de Québec et surtout Montréal. Le PLQ a fait seulement 9 % avec une bonne candidate. QS aurait dû avoir un résultat autour de 6 %, mais a fait moins que 2 % du vote.
Le taux de participation élevé et la sous-performance des autres partis sont dûs à la seule et unique présence d’Eric Duhaime sur le bulletin de vote. Le style d’Eric Duhaime mobilise. Il l’a démontré hier avec un résultat de 35 % des suffrages exprimés — un score qui aurait pu lui permettre de gagner si la CAQ, le PLQ et QS avaient performé normalement. Pour l’emporter, le PCQ n’avait besoin que de voir ces trois partis soutirer ensemble six petits points au PQ. Mais son style est un couteau à double tranchant : il mobilise… et il mobilise aussi contre lui.
Ce résultat me fait drôlement penser à l’élection fédérale, où Pierre Poilièvre a obtenu près de 41 % des voix tout en terminant derrière dans le vote populaire. Pourquoi ? Parce que l’électorat du NPD s’est massivement rallié au PLC, en réaction au style du chef conservateur. Ce phénomène ne s’était pas produit sous Stephen Harper.
Voilà ce qui explique la sous-performance des trois autres partis. C’est une sanction, pas juste envers un gouvernement, mais aussi envers un style, envers la manière de faire de M. Duhaime.
Ce résultat devrait servir de leçon à ceux et celles qui en ce moment veulent que le camp progressiste développe le même genre de stratégie rhétorique que la droite “assumée”. La gauche devrait s’assumer et être beaucoup plus populiste nous-dit-on. Une critique à peine masquée du “style” moins clivant de Gabriel Nadeau-Dubois. Ce qui arrive à la droite peut tout aussi bien arriver à la gauche.
Dans Arthabaska, une circonscription très conservatrice, c’est aussi une manière de faire de la politique qui a été battue pas juste le bilan d’un gouvernement.

